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Du Rana Plaza à la directive Due Diligence

19-04-23

Il y a 10 ans, plus de 1.100 travailleurs, en grande partie des travailleuses, perdaient la vie dans l’effondrement de leur usine. Au lendemain du drame, l’effroi provoqué au sein de la société civile a poussé plusieurs grandes marques bien connues à conclure un important accord pour éviter que cela ne se reproduise. 10 ans plus tard, où en est-on ?

Le 24 avril 2014, le Rana Plaza, une immense usine textile du Bangladesh, s’effondre sous le coup des vibrations des machines. Piégées dans les décombres, plus de 1.100 personnes perdent la vie. Ce terrible accident jette une lumière crue sur le coût social de l’industrie du textile.

Car « l’accident » aurait pu être évité. Au lendemain du drame, l’effroi provoqué au sein de la société civile a poussé plusieurs marques à conclure un accord avec des ONG et syndicats au Bangladesh avec l’appui de l’UE et de l’OIT notamment pour assurer la sécurité au travail. L’objectif était de réduire les risques d’incendie, ainsi que les menaces sur la santé et la sécurité. L’accord, qui a eu des effets positifs sur le terrain, a été renouvelé et renforcé en 2021. 200 grandes marques l’ont signée et elles se sont engagées à examiner la possibilité de le dupliquer dans un ou plusieurs autres pays producteurs, où des accidents continuent de se produire faute de normes de protection. Fin 2022, le texte a été étendu au Pakistan, un autre pays important dans le secteur.

La lourde empreinte sociale du secteur

Le lourd impact social du secteur textile ne s’explique pas que par les accidents au travail. La pandémie de covid-19 a, elle aussi, montré la vulnérabilité des travailleur.euses du secteur. Suite à la fermeture des magasins, de nombreuses enseignes passeuses d’ordre annulent leurs commandes, sans dédommager (ou à peine) leurs sous-traitants ! Des milliards de dollars échappent aux travailleurs, surtout des femmes (majoritaires dans le secteur). Et les pertes d’emplois occasionnées se déroulent alors qu’il n’y a pas de sécurité sociale robuste pour soutenir les personnes licenciées.

Tous ces éléments ont eu pour effet de réveiller les consciences, en levant le voile sur les coûts cachés de l’industrie du textile, et notamment de la fast fashion. Des milliers de citoyen.nes ont décidé de revoir leur consommation et éviter les marques pointées du doigts.

Plusieurs organisations mènent désormais campagne pour changer cette situation. L’initiative Good Clothes, Fair Pay vise à collecter un million de signatures pour obtenir une législation européenne exigeant un salaire décent pour les travailleur.euses du textile. Au Parlement européen, je relaie leurs demandes dans les différents dossiers qui peuvent faire la différence.

La stratégie européenne pour le textile

En mars 2022,  la Commission européenne a présenté sa stratégie pour des textiles durables et circulaires. Elle s’inscrit dans le cadre du Green Deal, un vaste plan qui vise à réduire les émissions de CO2 de l’UE, alors que le textile est le quatrième secteur à l’impact environnemental le plus lourd.

La stratégie européenne foisonnait d‘annonces, et des travaux législatifs sont désormais en cours :

- les travaux sur la future due diligence, avec le secteur textile reconnu comme « à haut risque », et qui mérite donc une attention accrue et des dispositions particulières. La commission du commerce international, où je siège, se prononcera fin avril sur sa position. 

Ce texte est important, dans la mesure où il montre que le pouvoir politique peut reprendre la main sur la mondialisation. C’est essentiel, alors que les travaux aux Nations unies sur un traité sur les entreprises multinationales et les droits humains patinent. Cela est également une réponse aux attentes des consommateur.rices, qui sont de plus en plus sensibles aux impacts directs mais aussi indirects des activités économiques sur la planète et les travailleurs et populations locales.

- la réforme GSP (Generalised Scheme of Preferences, système de préférences généralisées). Les produits textiles sont la principale catégorie de produits échangés dans le cadre de ce mécanisme qui permet aux pays en développement d’avoir un accès préférentiel au marché UE.

 

Il y a donc bien des avancées, qui doivent éviter un nouveau Rana Plaza, et surtout réduire l’impact social du secteur textile. Il est néanmoins impératif d’avancer sur ces dossiers : les conditions de travail dans le secteur restent dramatiques, nous n’avons donc pas le luxe d’attendre pour prendre des mesures fortes.

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