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Nouvelle avancée pour la responsabilité des entreprises!

24-01-23

Depuis mon entrée en politique, les questions d’une autre mondialisation plus juste et égalitaire et de la régulation des entreprises font débat. Aujourd’hui, je viens d’être témoin qu’il n’y a pas de fatalité. Témoin et actrice : avec mes collègues de la commission du commerce international (INTA), nous venons d’amender une proposition législative de la Commission. Celle-ci vise à s’assurer que les grandes entreprises s’acquittent de leurs responsabilités sociétales. Pour ce faire, plusieurs mécanismes doivent être mis en place: des mécanismes internes, le recueil de l’avis des parties prenantes (syndicats, ONG de défense de l’environnement ou des communautés locales) et la réparation et la compensation des dégâts en cas de dommages causés par leurs activités ou celles des sous-traitants.

Cette directive sur le devoir de vigilance (ou la « due diligence » en anglais) est l’un des textes les plus importants de ce mandat. La Commission avait traîné des pieds pour le finaliser et, à l’époque, j’avais exprimé de vives critiques. En effet, même si le texte allait dans le bon sens, il y avait trop de «verrous» ou d’exemptions pour que véritablement, il puisse produire les effets escomptés.

Un an plus tard, ce mardi à 10h20, nous avons entamé le vote qui portait sur 441 amendements. Le rapporteur irlandais du groupe libéral RENEW, Barry Andrews, avait osé, il faut le reconnaître, choisi d’opter pour une alliance progressiste avec notre Groupe ainsi que les socialistes et la gauche radicale. L’objectif était d’aller plus loin que ce que la Commission proposait et de combler les « trous » dans son texte. La droite (PPE, ECR, extrême-droite et une députée libérale) s’est entendue autour d’amendements allant à l’opposé et cherchant à affaiblir le texte de base de la Commission.

Au final, je me réjouis que ce soit notre approche qui l’ait emporté et ceci doit être souligné à double titre. D’une part, vous l’aurez compris, les enjeux sont considérables; il ne faut pas s’y tromper, vus les lobbies qui s’agitent depuis le début du mandat autour de ce texte, cette législation est l’une des plus importante du mandat et leur imposera des contraintes et des exigences de supervision sur les sous-traitants que les grandes entreprises contrôlent. D’autre part, la commission INTA est l’une des plus conservatrices et libérales du Parlement; il est rare qu’il en échappe des textes qui soutiennent activement la transition écologique et sociale et qui imposent des obligations aux entreprises à cet égard.

Concrètement, quelles sont ces améliorations ?

 

De grandes avancées

La Commission ne voulait couvrir que les toutes grandes entreprises. Or, celles-ci ne représentent que 1 % du total des entreprises. Nous avons convenu d’abaisser les seuils de sorte que les entreprises comptant plus de 250 travailleurs (au lieu des 500 avancés par la Commission) soient concernées par tous les aspects de la réglementation. Pour les secteurs à risques comme le textile, la pêche, les activités minières, le seuil est encore réduit à 50 travailleurs (soit bien moins que les 250 proposés par la Commission !). Ceci est capital car certaines organisations patronales du secteur textile durable estimaient que les seuils initialement arrêtés par la Commission ne permettraient de couvrir que 10% à 15% de toutes les entreprises de leur secteur. Aujourd’hui, ce sera presque l’intégralité des entreprises !

Aussi, à la liste des secteurs critiques, nous les eurodéputé.es ont ajouté celui des services financiers afin d’éviter que les banques, les fonds de pension, etc. investissent leur argent (ou plutôt celui des épargnants) dans des activités nocives pour la Planète et pour les travailleurs.

Enfin, sous certaines conditions (également revues à la baisse), les entreprises étrangères actives sur le marché européen devront respecter la nouvelle législation. Ainsi, je n’exagère pas quand j’estime que la directive pourra, dans une certaine mesure, influer sur le cours de la mondialisation, et pour le meilleur.

Le vote d’aujourd’hui ne permet plus que les entreprises puissent s’exonérer de leurs responsabilités et les reporter sur celles d’un niveau inférieur en utilisant d’un rapport de forces qui leur est favorable pour imposer à ces dernières des « clauses contractuelles ». Le vote clarifie également que les entreprises visées devraient s’intéresser à la manière d’opérer de tout leur écosystème économique, pas seulement les quelques entreprises avec lesquelles elles ont des relations commerciales bien ancrées.

Dans le cas où une entreprise devrait, suite à de graves dégâts occasionnés par ses relations avec un de ses partenaires commerciaux, se « désengager » d’avec lui, alors, il faudrait au préalable que cette entreprise consulte les parties prenantes dont les travailleurs pour éviter que la fin de cette relation empire encore la situation sur le terrain.

Les entreprises devraient aussi mettre en place un mécanisme pour collecter et gérer les plaintes déposées en raison des conséquences négatives de leurs activités. Elles devront aussi s’employer à faire connaître ce mécanisme de manière à éviter un parcours d’obstacles aux parties qui s’estimeraient victimes.

Les amendements visent aussi à mettre fin à certains flou juridiques existants qui permettent aux entreprises

Je me réjouis en particulier que la pratique des achats responsables sera clarifiée. Cela impliquera qu’une entreprise ne pourra faire une pression sur les prix auprès de ses sous-traitants, ce qui conduit chez celui-ci à de piètres conditions de travail et bloque les salaires.

Voilà pour les éléments principaux.

 

Un parcours encore long et un rôle clé pour la Belgique

Malheureusement, la bataille est loin d’être finie... Si l’on peut se réjouir du vote final qui fut serré (21 pour, 19 contre, 1 abstention), il faut souligner que pas moins de 8 commissions parlementaires doivent s’accorder sur les amendements pour améliorer la proposition de la Commission européenne. La commission des droits humains a voté dans le même sens à peu près au même moment. On s’attend à ce que les commissions de l’Environnement et Emploi fassent de même. En revanche, les choses seront plus serrées en commissions de l’Industrie et du Marché intérieur car beaucoup d’eurodéputé.es y sont hostiles au fait d’imposer de nouvelles «contraintes», de la «bureaucratie» additionnelle aux entreprises.

Il reviendra à la commission des Affaires juridiques compétente sur le fond, celle qui aura le dernier mot, tout en respectant les prérogatives des autres, d’assurer une cohérence d’ensemble. A ce moment, un vote interviendra en plénière, probablement en mai, pour valider la position du Parlement.

Le parcours législatif ne s’arrêtera pas là car, ensuite, le Parlement devra négocier avec le Conseil des Ministres de l’UE. Or, on sait que le Conseil est beaucoup moins ambitieux que le Parlement, voire à certains égards, que la Commission. Cela risque donc encore de prendre un certain temps, sachant qu’il faut boucler le dossier avant les prochaines élections européennes mi-2024. Il est donc à parier que la Belgique qui assurera la présidence de l’UE au premier semestre 2024 aura un rôle capital à jouer dans ce dossier-phare de la législature!

 

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