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Devoir de vigilance: un vote clé au Parlement européen!

02-06-23

Jeudi dernier, le Parlement européen a adopté sa position sur la proposition de directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Je vous explique pourquoi ce vote, même si ce n’est qu’un premier pas, est historique.

 

Un combat de longue date

Je me suis engagée en politique il y a une vingtaine d’année parce que j’étais indignée face à un monde injuste et j’étais résolue à lutter contre une sorte de fatalité selon laquelle la mondialisation s’était irrémédiablement émancipée du pouvoir politique, que les multinationales et leurs actionnaires pouvaient en faire à leur guise, leur quête de profits n’étant pas entravé par rien ni par personne.

Aujourd’hui, je me réjouis que ce combat que je mène, que ce combat que nous menons soit couronné de succès. Le Parlement européen a adopté une législation sur le devoir de vigilance obligeant les entreprises de plus de 250 travailleurs et de 40 millions d’euros à assumer leurs responsabilités sociétales envers leurs travailleurs, les communautés locales potentiellement affectées par des nuisances environnementales et envers la Planète. 

 

Quel est le contenu de ce texte?

Les entreprises devront exercer ce devoir de vigilance sur leurs fournisseurs et leurs filiales. En effet, les sociétés devront s’assurer que ses filiales et sous-traitants opèrent de manière durable au regard d’un certain nombre de critères comme des conventions de l’OIT, des accords environnementaux, etc. 

En consultation avec les syndicats et autres parties prenantes et sur base de documents d’orientation établis par la Commission européenne, les entreprises devront mettre en place des processus d’évaluation des risques et des plans de correction. Des mesures de sanctions et de compensation des personnes lésées sont également prévues. La directive prévoit, par ailleurs, que les dirigeant.es des entreprises devront tenir compte des conséquences de leurs décisions sur le plan de la durabilité. Les Etats membres devront aussi s’assurer que, pour les plus grandes entreprises, la partie variable de la rémunération des dirigeant.es dépende de la bonne poursuite d’un plan de transition adopté par l’assemblée générale.

Les entreprises ne pourront pas simplement cesser leurs activités dans une zone qui serait particulièrement vulnérable et plier bagages ; elles devront veiller à ce qu’elles « désengagent de manière responsable ». Autrement dit, si elles décident de mettre un terme à leurs activités, elles devront au préalable veiller à ce que cette solution ne crée pas d’autres problèmes qui pourraient être plus importants que les dommages causés par le risque initial.

Aussi, elles devront mener une politique d’achats durables. Elles ne pourront plus faire pression sur les prix auprès de leurs fournisseurs, pratique qui a pour conséquence de comprimer les salaires au point que les travailleurs.euses en fin de chaîne touchent à peine de quoi mener une vie décente.

 

Les enjeux du vote au Parlement

Est-ce que je ne survends pas cette directive ? Est-ce que je ne gonfle pas son importance ? Le lobby qui s’est intensifié au cours des dernières semaines et qui s’est traduit par une attitude offensive et déloyale des conservateurs allemands du PPE montre bien que cette directive ne sera pas un tigre de papier. L’opposition des conservateurs allemands fut telle qu’ils ont « déshabillé » le négociateur du PPE sur ce texte, lui-même un conservateur allemand qui est resté fidèle au compromis négocié de longue haleine. Du côté des belges, ces conservateurs ont entraîné dans leur sillage les eurodéputés de la NVA et du Vlaams Belang. 

D’autre part, il ne faudrait pas penser que la communauté économique et financière est unanimement vent debout contre la nouvelle directive. Des coalitions d’investisseurs gérant des milliards d’euros d’actifs appelaient le Parlement à durcir le ton car ils sont de plus en plus regardants sur les impacts des entreprises en matière de durabilité. En effet, à l’époque des réseaux sociaux, un bad buzz peut vite entraîner une chute des cours boursiers. Par ailleurs, de plus en plus sont conscients que les inégalités sociales croissantes et le dérèglement de l’environnement sont des bombes à retardement, aussi pour l’économie. Il en va de même pour beaucoup d’entreprises qui soutiennent les nouvelles règles car elles font face à une concurrence déloyale de la part de celles qui fondent leur compétitivité sur un moins-disant social et environnemental. Aussi, un nombre croissant d’entreprises met en place un business model plus vertueux et en phase avec les valeurs de leurs fondateurs.

Cette directive va avoir un effet d'entraînement sur la réglementation interdisant le travail forcé qui, elle aussi, fait l’objet d’un travail de sape de la part de la droite. Elle offrira un cadre soutenant la transition de nombre de secteurs particulièrement exposés aux risques sociétaux comme le secteur du textile ou l’agro-alimentaire.

 

Les étapes suivantes

Cette directive revêt maints aspects qu’il serait fastidieux d’énumérer ici. Pour en savoir plus, je vous enjoins à assister à une conférence que j’organise avec mes collègues vertes, Heidi Hautala (Finlande) et Anna Cavazzini (Allemagne) ce 8 juin. Nous ferons le point sur les résultats des amendements du PE, juste avant que ne s’enclenchent les discussions avec le Conseil afin de faire aboutir cette directive. Donc, le combat n’est pas tout à fait fini même s’il est bien engagé.

 

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