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Les cinq ans du CETA, et ensuite ?

20-09-22

Ce 21 septembre, cela fera cinq ans que l’accord de commerce et d’investissement entre l’UE et le Canada, le fameux CETA, est entré provisoirement en vigueur. Provisoirement, car certaines dispositions ne peuvent s’appliquer tant que tous les Etats membres n’ont pas ratifié le texte. Ces dispositions ont trait à la protection des investissements et plus précisément au mécanisme de règlement des différends, déjà décrié au moment du TTIP et que l’on retrouve dans le Traité sur la Charte de l’Energie qui, pour cette raison, constitue un obstacle à la transition écologique de nos économies. Des négociations ont cours dans une instance des Nations unies (UNCITRAL) visant à établir une cour multilatérale sur les investissements. Attendons plutôt de voir où nous mènera ce processus et, le cas échéant, s’il ne convient pas de l’incorporer dans le CETA.


Un texte toujours aussi problématique


Pour convaincre les 11 Etats - dont la Belgique - qui n’ont toujours pas ratifié le CETA, la Commission européenne a récemment évalué que le CETA aurait dopé les échanges de 30 %. Les partisans de l’accord sont repartis à l’offensive à la faveur de la guerre, le Canada étant un important pourvoyeur potentiel d’énergie: les ambassades du Canada reprennent contact avec des députés nationaux et le parlement européen envoie une mission à Ottawa.

La non-ratification n’a pas empêché un enrichissement des relations puisque les deux partenaires ont signé un partenariat sur les matières premières en juillet 2021.

Cinq ans plus tard, nos critiques n’ont pas varié d’un iota: le mécanisme de règlement des différends reste fondamentalement problématique en raison de quelques garanties de transparence ou d’impartialité des juges. Il n’y a pas de raison à accorder un traitement préférentiel aux investisseurs basés au Canada en Europe (et inversement) par rapport aux investisseurs nationaux ou aux PME et à leur permettre d’attaquer les autorités publiques s’ils estiment que celles-ci prennent des décisions nuisant à leurs bénéfices, y compris bénéfices futurs (et donc, incertains).


L’offensive de charme de la Commission européenne


En juin dernier, la Commission a formulé une série de propositions pour veiller à ce que les accords de libre-échange soient plus durables, transparents et inclusifs dans leur mise en oeuvre. Il ne peut être question d’une ratification du CETA tant que le texte de 2017 n’est pas aligné sur les nouvelles propositions.

Pour lever les obstacles à la ratification en Allemagne, la Commission a négocié avec ce pays deux clarifications au chapitre sur la protection des investissements du CETA qui en sont en réalité des amendements (qui doivent être validés par tous les Etats membres avant de le soumettre pour accord au Canada). On comprendrait mal pourquoi la Commission serait prête à modifier le CETA sur ce volet et pas sur le volet de durabilité. (Sans compter qu’il n’est pas juste que la Commission écoute davantage un pays, même si c’est le poids lourd de l’UE, que d’autres.)


Des cas concrets qui justifient notre prudence


Un rapport d’audit du département Santé de la Commission européenne avait révélé que le Canada n’avait pas pris les mesures adéquates pour éviter l’envoi de boeufs aux hormones en Europe. Ce qui est en jeu n’est pas tant les quantités impliquées qui ont dû être dérisoires mais le fait que le rapport indiquait que l’UE avait déjà fait des recommandations au Canada qui ne les avaient pas prises au sérieux, ce qui jette un doute sur la fiabilité de ce partenaire. D’autant que le Canada fait partie des pays qui ont lancé un contentieux à l’OMC contre l’UE considérant que, en matière de boeufs aux hormones, l’UE était protectionniste.

En matière de fiabilité, nous avons également une réserve quand le Canada prône la durabilité des échanges et son rôle de pionnier mondial. C’est sûrement vrai au regard de plusieurs aspects de la transition juste et écologique (comme sur la question du genre), mais le Canada est l’un des grands pays absents de la déclaration plurilatérale agréée en marge de l’OMC sur la fin des subventions aux combustibles fossiles.


Evaluer avant d’aller plus loin


Enfin, il est prévu que la Commission initie une évaluation des impacts économiques, sociaux et environnementaux cinq ans après l’entrée en vigueur d’un accord. Ici aussi, attendons d’avoir celui-ci sous les yeux ainsi que les recommandations qui seront faites pour améliorer l’accord avant d’envisager sa signature. Cela permettra de savoir à quel point les PME ont réellement profité du surcroît d’échange induit par le CETA (un argument de “vente” de l’accord utilisé par la Commission mais qu’elle n’a jamais pu étayer par des chiffres par la suite), si le commerce est aussi durable que le prétend la Commission (qu’en est-il des sables bitumineux ou des émissions de CO2 liées au transport des marchandises?), et de répondre aux questions déjà soulevées dans l’accord intra-belge qui scella l’aboutissement de ce qui fut appelé “la saga CETA”.

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