Faire défiler
Tous les articles

L’UE prête à utiliser sa politique commerciale pour peser sur la scène internationale

23-12-21

Le nouvel instrument dit « anti-coercitif » que la Commission a présenté ce mercredi 8 décembre est pensé pour faire de l’UE un acteur géopolitique. Il s’agit de fournir à la Commission Européenne les moyens de riposter dans le cas où l’UE ou un Etat membre fait l’objet d’une agression de la part d’un Etat tiers, d’une entreprise ou d’un individu, ceux-ci cherchant à peser sur les législations et réglementations. S’il reçoit le feu vert des législateurs européens, il s’agirait du plus important levier d’action conféré à l’UE depuis des années.

La nouvelle législation complète l’arsenal étoffé ces derniers temps à savoir :

– L’introduction de contre-mesures lorsque, suite à un litige porté à l’OMC, l’UE obtient gain de cause mais l’autre pays refuse de coopérer;
– La fermeture de l’accès à nos marchés publics aux entreprises de pays qui ne montrent pas le même degré d’ouverture et de transparence;
– Le mécanisme de surveillance des investissements étrangers sur le sol européen afin de garantir que ceux-ci ne visent pas à s’emparer de technologies rapatriées dans le pays d’origine ou à fragiliser la souveraineté de l’UE (énergie, biotechnologie, transport…);
– L’accord sur les instruments de défense commerciale consistant à contrer l’impact des produits qui arrivent sur le marché européen à un prix anormalement bas (à cause de soutiens de banques publiques, d’un non-respect des normes sociales et environnementales) et qui nuisent aux producteurs et travailleurs européens.

Incohérence européenne?


Ce nouvel instrument révèle toutefois une forme de schizophrénie ou d’hypocrisie dans le chef de la Commission. En effet, ne nous voilons pas la face: même si la Russie, la Turquie ou les Etats-Unis ont tenté de faire pression sur ou d’affaiblir l’UE ou un Etat membre, c’est essentiellement la Chine qui est dans le collimateur de cette panoplie d’outils de défense.

Comment expliquer alors que l’UE se soit précipitée à signer un accord d’investissement avec la Chine en décembre 2020? Accord qui a pris du plomb dans l’aile lorsque la Chine a pris des mesures de sanction à l’égard d’universitaires et députés membres du parlement européen ou de parlements nationaux.
La Commission européenne, particulièrement sa DG commerce, estime par ailleurs que sa politique commerciale ne doit pas être surchargée de préoccupations climatiques, sociales ou liées aux droits humains. Comment la Commission justifie-t-elle dès lors que ce nouvel outil qui relève de la politique commerciale soit un instrument géopolitique ?

Les nouvelles sanctions (restrictions commerciales et en termes d’investissements ou de protection de la propriété intellectuelle) pourront être déclenchées par la Commission sans passer par les arcanes du Conseil (encore faut-il que les capitales acceptent de déléguer ce pouvoir à la Commission). En outre, comme la base légale pour l’adoption de la nouvelle législation est celle de la politique commerciale et non de la politique extérieure, son adoption requiert une majorité qualifiée et non l’unanimité. Avec la publication de la proposition législative par la Commission, le Parlement européen peut également entamer son travail d’amendements avant d’entrer en négociation avec le Conseil pour trouver un texte de compromis avant la fin de cette législature à la mi-2024, ce qui n’est pas rien car il fallut pas moins de quatre ans aux Etats membres pour trouver un accord entre eux sur les instruments de défense commerciale (avant même de commencer à discuter avec le Parlement).

Voir plus

D’autres articles peuvent vous intéresser