
Depuis plusieurs années, l’Union européenne négocie un vaste accord commercial avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay). Présenté comme une avancée économique et géopolitique, ce traité pose pourtant de sérieux problèmes : il n’est bon ni pour les populations, ni pour les agriculteurs, ni pour la planète, ni pour l’autonomie stratégique européenne.
Sur le papier, l’accord comporte une longue liste d’engagements en matière de développement durable. Mais ces dispositions ne sont pas contraignantes… ce qui les rend largement inefficaces! Pire encore, une nouveauté inquiétante a été introduite : à la demande des pays du Mercosur, un mécanisme permettrait de réclamer des dédommagements si l’UE adoptait de nouvelles règles environnementales susceptibles de freiner leurs exportations.
En clair, si l’Europe décide demain de limiter davantage l’usage des pesticides, de renforcer le bien-être animal ou d’étendre le règlement anti-déforestation au Cerrado brésilien ou au Pantanal argentin, elle devrait en payer le prix. C’est une atteinte directe à notre droit à légiférer en faveur d’un avenir durable.
Les producteurs européens risquent d’être les grands perdants de cet accord. La Commission avait promis un fonds d’un milliard d’euros pour compenser les éventuelles pertes liées à l’afflux de produits sud-américains. Mais ce “sparadrap” paraît bien dérisoire face à la baisse des budgets agricoles prévue dans le cadre financier pluriannuel de l’UE.
Par ailleurs, le respect des normes sanitaires et phytosanitaires européennes reste douteux. Lors d’une mission officielle du Parlement au Brésil en juillet, les fonctionnaires du port de Santos (qui traite plus d’un tiers des exportations brésiliennes) ont confirmé ne pas exiger de certificat de conformité pour le maïs, le soja ou le café! De quoi s’inquiéter de la fiabilité des contrôles promis.
La contestation de l’accord ne se limite pas à l’Europe. Dans les pays du Mercosur, de nombreuses voix s’élèvent : peuples autochtones, syndicats, mouvements sociaux, organisations de consommateurs et ONG environnementales. Tous dénoncent un traité qui fragilise encore davantage leurs droits et leurs écosystèmes.
Sur le plan démocratique, nous dénonçons fermement le subterfuge utilisé par la Commission et consistant à scinder le texte en deux parties pour faciliter l’entrée en vigueur de son volet commercial. Le volet commercial pourrait entrer en vigueur rapidement, car il ne nécessite que l’accord d’une majorité qualifiée des États membres et du Parlement européen. Le volet politique, qui contient des mesures d’accompagnement, requiert l’unanimité (un scénario peu probable). Cette manœuvre prive les parlements nationaux de leur droit de regard, ce qui est particulièrement choquant au vu des enjeux économiques, sociaux et environnementaux.
La compatibilité de l’accord avec les traités européens et les engagements climatiques internationaux est loin d’être acquise. Avec les Verts/ALE, nous allons donc demander que la Cour de justice de l’UE soit saisie pour trancher. Des résolutions en ce sens sont déposées par Ecolo dans les différents parlements du pays.
Nous ne rejetons évidemment pas l’idée d’une coopération renforcée avec le Mercosur. Au contraire, nous plaidons pour des partenariats équitables et durables, qui servent réellement l’intérêt des populations et la protection de la planète. Mais cela suppose de sortir d’une logique où l’on abaisse les normes au profit de quelques multinationales et de leurs actionnaires.