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L’industrie européenne vit un tournant historique, qu’elle aurait déjà dû prendre il y a dix ans

25-02-25

La Commission européenne publie son Clean industrial deal qui s’articule autour de six piliers (énergies accessibles, marchés leaders, financements, circularité et accès aux matières premières, marchés globaux et commerce international) avec l’objectif de décarboner l’industrie européenne d’ici 2050.

L’Europe dispose d’une base industrielle forte et innovante, qui fournit du travail à des millions de personnes. Ces dernières années ont été marquées par d’importants défis pour la politique industrielle de l’UE, de la pandémie de COVID-19 qui a mis en péril les chaînes de valeur mondiales à la guerre d’agression russe contre l’Ukraine, qui a entraîné une flambée des prix de l’énergie sur le continent. En tant qu’écologistes, nous croyons fermement en une politique industrielle tournée vers l’avenir utilisant tous les outils possibles pour développer de nouvelles industries (des énergies renouvelables à la dépollution, en passant par l’adaptation) tout en accompagnant la transformation des secteurs industriels existants en Europe (de la céramique à l’aluminium, en passant par les industries légères) vers une économie circulaire neutre pour le climat, efficace dans l’utilisation des ressources et socialement juste. C’est déjà le message que nous portions dans le manifeste électoral de 2014 de la famille verte européenne. Dix ans plus tard, la situation climatique et géopolitique ne nous laisse plus le choix.

 

L’indépendance stratégique, énergétique et la sécurité vont de pair

Le contexte géopolitique, la situation de grande dépendance et l’industrie à transformer, doivent pousser l’Union européenne à transformer les défis actuels en opportunités. Le modèle économique européen est dépassé, étant donné que l’Europe dispose de peu de ressources naturelles. Cela ne nous laisse pas d’autre choix que de passer à un système aligné sur nos réalités physiques. Au lieu de regarder en arrière, de blâmer les politiques environnementales ou de rester pantois face à Trump, Poutine et Xi Jinping, construire la compétitivité de l’Europe passe par le maintien du cap dont se sont dotés les européens avec le Pacte vert, en accélérant et en accompagnant sa mise en œuvre. Stimuler et catalyser l’innovation, tout en créant des marchés principaux pour que l’Europe devienne un leader mondial des industries vertes. Garantir notre sécurité et notre indépendance, créer des emplois, tout en profitant aux gens et à la planète. Il n’y a pas de temps à perdre : la voie la plus coûteuse, que l’Europe a suivie pendant trop longtemps, est celle de l’inaction. La Cour des comptes européenne a chiffré le coût de l’inaction entre 42 et 175 milliards d’euros par an pour l’Europe.

En effet, si l’UE a perdu en compétitivité et pris autant de retard en matière de décarbonation, c’est parce qu’elle ne disposait pas d’un cadre réglementaire cohérent pour guider l’industrie vers une transformation. La Commission européenne, poussée dans le dos par les conservateurs en croisade contre l’environnement, fait fausse route avec ses règlements « omnibus » visant à affaiblir la seule boussole cohérente qu’est le Green Deal. Pourtant, il n’y a pas si longtemps, elle-même reconnaissait que « les grandes entreprises sont de plus en plus nombreuses à mettre en place des processus de vigilance, ces derniers pouvant leur procurer un avantage concurrentiel ». Les attaques contre les règlements patiemment négociés et adoptés, ne font que créer de l’incertitude pour les entreprises, de la confusion et de l’instabilité, finissant par détourner les investisseurs, pénaliser les bons élèves et récompenser les retardataires. Des voix se sont élevées de partout pour s’opposer à cette dérégulation et appeler à maintenir le cap.

 

L’avenir de l’industrie européenne est vert

Un regard dans le rétroviseur montre que plus de 40 % de la croissance du PIB de la Chine en 2023 était liée aux technologies propres, et les emplois dans le secteur de l’énergie propre ont dépassé ceux des combustibles fossiles en 2021 et continuent de croître. Dans l’Union européenne, plus de 30 % de la croissance du PIB en 2023 a été enregistrée dans les technologies propres, et les énergies renouvelables représentaient à elles seules 1,5 million d’emplois dans l’UE en 2021, la croissance de l’emploi étant supérieure à celle de l’économie globale.

Le marché des clean tech mondial est évalué à 2.000 milliards USD en 2035. L’UE a tout intérêt à accélérer la transition de son économie et des business modèles de manière à profiter de ce marché. En se faisant le champion des clean tech, l’UE pourra aussi imposer les normes qui prévaudront dans ces secteurs. C’est grâce à ses législations et à son soutien aux investissements qui devra également trouver une traduction dans le futur cadre financier pluriannuel que l’UE, ses entreprises et travailleurs, bénéficieront de ces débouchés.

En un mot :  la compétitivité du secteur industriel passe par le Pacte vert, qui doit être le moteur de la stratégie pour une industrie propre, à construire avec l’industrie et les entreprises.

 

Investir pour donner la priorité à l’industrie propre et la nouvelle économie circulaire

Il faut donner la priorité aux secteurs et aux technologies de la plus haute importance géopolitique, pour la sécurité et la transition propre et juste, et cibler et prioriser les investissements publics et privés pour combler le déficit de compétitivité. Des investissements publics supplémentaires massifs sont essentiels – 450 milliards d’euros par an jusqu’en 2030 pour parvenir à la décarbonation industrielle.

Nous avons besoin d’un nouveau système d’emprunt commun, la création d’un Fonds européen pour la compétitivité verte et devons élaborer des règles vertes en matière d’aides d’État exigeant des conditionnalités environnementales et sociales ainsi que des règles en matière de marchés publics assorties d’exigences en matière de contenu local.

Investir massivement pour créer de nouveaux produits verts permettra aussi de booster la demande pour ceux-ci. Une loi sur l’accélération de la décarbonation industrielle (IDAA) pour favoriser une industrie de l’acier vert et du ciment à faible émission de carbone est nécessaire.

Enfin, il s’agit de relâcher les contraintes du Pacte de stabilité et de croissance pour faciliter les investissements publics et leur permettre de faire levier sur les investissements privés.

 

Le 'Made in Europe' pour créer des emplois

Le Made in Europe doit permettre à l’UE de devenir le leader des produits propres tels que les éoliennes, les batteries pour véhicules électriques, l’électromobilité, les technologies d’efficacité énergétique, les panneaux solaires, la production d’énergie renouvelable et le développement du réseau, la décarbonation de l’industrie sidérurgique et cimentière, avec un système d’étiquetage obligatoire « made in Europe » pour stimuler la production/consommation locale.

Cette approche permet de continuer à créer des emplois de qualité en Europe - avec des mesures qui attirent les entreprises et des travailleurs qualifiés.

Le développement des énergies renouvelables d’ici 2030 pourrait créer 25 millions de nouveaux emplois dans l’UE.

L’UE doit également soutenir ses travailleurs dans une transition juste, par le biais d’offres de perfectionnement et de qualification, assurer un filet de sécurité pour les travailleurs et un soutien public aux entreprises conditionné à la création d’emplois de qualité.

Il s’agit de créer des conditions de concurrence équitables pour que l’industrie et les travailleurs européens soient en mesure de rivaliser avec l’industrie chinoise et américaine.

 

Une énergie renouvelable et moins chère

Les entreprises ont besoin de certitudes et de stabilité pour leurs investissements verts et éviter d’être désavantagées par rapport aux États-Unis ou à la Chine. Une industrie européenne exempte de combustibles fossiles réduira les risques liés à notre dépendance à l’égard de l’énergie russe et étrangère, réduira les factures d’énergie et stimulera la production nationale d’énergie renouvelable.

Il s’agit donc de stimuler la compétitivité en augmentant l’efficacité énergétique et en réduisant les coûts énergétiques, de libérer la flexibilité énergétique en complétant le réseau à l’échelle de l’UE par un règlement européen sur les réseaux d’énergies renouvelables et de privilégier l’électrification renouvelable pour décarboner les processus industriels et rendre l’énergie moins chère pour les entreprises et les ménages.

Les crises - pandémie, guerre, climat, géopolitique - qui se succèdent montrent l’urgence pour l’Union européenne d’atteindre son autonomie stratégique. L’UE doit définitivement prendre le tournant écologique et social, majeur pour son industrie et son économie, en étant le moteur de la transition par un soutien décisif aux différents secteurs de l’économie dans leur transformation.

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