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Discours aux avocats : une profession clé pour préserver les droits fondamentaux

06-02-25

J'ai eu le privilège d'adresser un keynote speech à l’occasion de la réception annuelle des bureaux européens de liaison de l’Ordre des Barreaux francophone et germanophone (AVOCATS.BE), du Barreau de Luxembourg, des barreaux allemand, autrichien et tchèque, et le Bar Council of England and Wales. L'occasion pour moi d'appeler le commissaire en charge de la Justice, Michael McGrath, à assurer que le besoin d'assurer la sécurité ne se fasse pas au détriment de la justice.

C'est un honneur pour moi de me trouver devant vous aujourd'hui à l'occasion de cette prestigieuse réception annuelle des avocats. En tant que membre du Parlement européen, je reconnais le rôle essentiel que vous jouez dans notre société démocratique, non seulement en tant que défenseurs de la justice, mais aussi en tant que protecteurs.rices des droits fondamentaux qui sont à la base de nos libertés.

Je tiens à remercier le barreau belge pour son invitation à prononcer ce discours, avec une mention spéciale pour Anne Jonlet et ses collègues. Je crois que l'invitation de ce soir reflète la bonne coopération et les liens solides que nous avons construits au cours des cinq dernières années. Dans mon travail de parlementaire en charge des questions liées à la justice européenne, à la coopération policière et au droit pénal, votre organisation a toujours été un partenaire très fiable et votre expertise en tant qu'avocats et praticiens du droit est cruciale.

Un contexte en évolution

La création et le développement de l'espace de liberté, de sécurité et de justice dans l'UE est une grande réussite de notre continent. Il garantit les droits des citoyens et des entreprises, permet l'exécution transfrontalière des obligations et des devoirs, assure la protection des plus vulnérables, mais aussi le respect des droits fondamentaux et de l'État de droit.

En Europe, et plus encore depuis les élections européennes de l'année dernière, nous vivons une période difficile. Dans un monde de plus en plus marqué par la polarisation, l'État de droit est une lueur d'espoir qui nous rappelle les valeurs qui nous unissent. Mais nous savons aussi que ces valeurs sont fragiles. La démocratie n'est pas quelque chose que nous pouvons considérer comme acquis - elle doit être défendue chaque jour. Et c'est là que vous, les professionnels de la justice, intervenez.

Dans le domaine de la coopération judiciaire, pour reprendre les termes de l'ancien président d'Eurojust, « nous sommes passés d'une coopération fondée sur la confiance aveugle à une attitude de contrôle et de vérification ». Ce que nous considérions comme acquis dans un espace de liberté, de sécurité et de justice a été mis à rude épreuve dans de nombreux États membres. Dans de nombreux pays, la profession d'avocat a également été attaquée, soit par les gouvernements, soit par une législation qui met en péril le rôle des avocats dans la chaîne judiciaire. Comme le montre le récent rapport du CCBE, la profession d'avocat est également exposée à de nombreux risques, y compris des menaces et des agressions. Les avocats ont également été espionnés par leur propre gouvernement. Il est essentiel d'agir et de réagir fermement à ces attaques. Il est également essentiel de comprendre que lorsque les politiciens manquent de respect à la profession ou que les lois remettent en question son rôle, cela normalise l'impunité et permet les pires comportements.

Coopération judiciaire et tension entre sécurité intérieure et justice

La coopération judiciaire au sein de l'Union européenne est l'une des pierres angulaires de notre cadre juridique commun. Elle garantit que la justice ne s'arrête pas aux frontières d'un pays, mais qu'elle nous unit. L'UE est fondée sur l'idée que nos lois et nos systèmes juridiques ne doivent pas seulement répondre aux besoins des États individuels, mais qu'ils doivent travailler ensemble pour le bien commun. Cette vision se reflète dans les divers instruments et initiatives de l'UE destinés à améliorer la coopération, qu'il s'agisse du mandat d'arrêt européen, des mécanismes transfrontaliers de justice civile ou des droits des personnes accusées d'un délit.

Mais soyons clairs : la coopération n'est pas toujours simple. Elle nécessite la confiance, le respect mutuel et un engagement commun en faveur des principes d'équité, d'égalité et de dignité humaine. La politique de l'Union européenne en matière de justice et d'affaires intérieures, qui constitue un élément essentiel du cadre juridique de l'Union, a parfois eu du mal à trouver l'équilibre entre la sécurité et les droits individuels. Ces défis sont encore plus évidents lorsque l'on pense à des questions telles que le partage transfrontalier de données, la protection de la vie privée et la protection des droits fondamentaux.

Les développements dans le domaine de la coopération policière au sein de l'UE ont, à mon avis, mis à mal cet équilibre nécessaire. Alors que la sécurité est sur toutes les lèvres, la justice reste sous-financée. Nous voyons également combien il peut être difficile de mettre en œuvre les droits de la défense lorsque les preuves n'ont pas été recueillies dans les livres, et l'effet que les opérations de l'UE peuvent avoir sur les procédures, lorsque les juges n'évaluent pas la légalité des preuves aussi minutieusement qu'ils le feraient dans le cadre d'une enquête nationale. À cet égard, et je saisis l'occasion de votre présence, Monsieur le Commissaire à la justice, votre rôle est crucial.

La législation dans le domaine de la sécurité intérieure sera primordiale dans les années à venir, y compris dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité organisée. Nous avons absolument besoin que vous veilliez à ce que l'équilibre des pouvoirs entre la justice et la police soit respecté et à ce que les droits fondamentaux, y compris les droits de la défense, soient fermement ancrés dans chaque proposition. Cela signifie également qu'il faut tenir les États membres responsables de la bonne application du droit communautaire, en veillant à ce que toutes les procédures judiciaires, qu'elles soient civiles, pénales ou administratives, respectent les normes les plus strictes en matière d'équité.

L'avenir

La nécessité de tenir les États membres responsables de la mise en œuvre du droit communautaire sera d'autant plus cruciale dans les années à venir que nous venons d'adopter de nombreuses législations dans le domaine du droit pénal. Bien que nous nous félicitions des nombreux textes adoptés, notamment sur la violence fondée sur le sexe, la criminalité environnementale, la lutte contre la traite des êtres humains ou la violation des mesures restrictives de l'Union, ils créeront une charge de travail importante pour l'administration et les services. La volonté politique est essentielle.

Les négociations en cours sur la directive relative aux droits des victimes et la directive relative aux abus sexuels sur les enfants, dont je suis responsable, sont des textes très importants qui, je l'espère, permettront de réels changements dans la société. Là encore, nous avons besoin d'engagements forts de la part de la Commission européenne mais aussi de la profession juridique pour assurer un niveau d'ambition très élevé. Nous le devons aux nombreuses victimes et survivants d'abus et d'exploitation sexuels d'enfants en Europe.

Je vous remercie de votre attention.

 

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