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Conférence: #CatalanGate : Audition des victimes du plus grand scandale de logiciels espions en Europe

06-12-22

Le 29 novembre dernier avait lieu une audition officielle de la Commission d’enquête du Parlement européen chargée d’enquêter sur Pegasus et autres logiciels espions, Commission dont je suis membre. Cette audition avait pour objectif de faire la lumière sur les écoutes illégales qui ont eu lieu en Espagne. Le cas des écoutes espagnoles comprend deux facettes. D’une part, des dirigeants espagnols ont été mis sur écoute par l’Etat marocain. Et, d’autre part, des activistes, chercheur.euses, avocat.es et politicien.nes catalan.es ont été espionné.es par les autorités centrales espagnoles. Seulement voilà: seule une victime catalane, l'avocat Andreu Van den Eynde, était invitée à témoigner. Il s'agit d'une situation sans précédent puisque, lors des auditions sur d'autres pays, il y a toujours eu de nombreux témoignages de victimes.

Pire encore, le très controversé chercheur espagnol, Gregorio Martín, était invité. Et cela malgré que son manque de crédibilité scientifique et sa propension à propager de la désinformation aient été dénoncées dans une lettre ouverte signée par de nombreux experts. Face à cette situation, mes collègues les eurodéputé.es Diana Riba i Giner et Jordi Solé et moi-même avons décidé d’organiser une audition qui donne la parole aux victimes. Notre but était d’octroyer aux victimes un espace pour s’exprimer et témoigner. 


Une audition pour écouter les victimes

La chercheuse Elena Jimenez, la Présidence d’une ONG pro-catalane Elisenda Paluzie, le député catalan Carles Riera, l’ancien maire de Barcelone Ernest Maragall et le député européen Toni Comin ont comme point commun d’être catalan.e et d’avoir été espionné.e par les autorités espagnoles à l’aide d’un logiciel espion. Ils et elles nous ont raconté leurs histoires: les dates, le nombre de fois et les raisons officielles de leurs mises sous écoute. Tous.tes attendent, au niveau national, des réponses judiciaires fortes, et, à celui européen, des éclairages de la part de la Commission Pegasus. Je ferai tout mon possible pour que notre rapport final soit à la hauteur de leurs attentes et des enjeux. 


Des problèmes nationaux entravent notre travail

Le cas espagnol, dit du Catalan Gate, à ce jour le pays où il y a le plus de victimes répertoriées  en Union européenne. Malheureusement, au sein de la Commission d’enquête Pegasus, des tensions nationales internes à l’Espagne entravent notre mission. Des membres du PP, de PSOE et de Ciudadanos, des partis politiques espagnols, ont voulu limiter le temps de parole des victimes. Celles-ci ne manquent pourtant pas. Il est avéré qu'au moins 65 personnes ont été espionnées par l'État espagnol. Par ailleurs, depuis plusieurs mois, nous demandons une visite de terrain en Espagne comme nous l’avons fait pour d’autres États sujet au scandale Pegasus. Mais ces demandes sont restées vaines jusqu’ici. 

 

Quant aux réponses des autorités espagnoles, c’est simple, elles sont inexistantes. L'actuelle directrice du Centre national de Renseignement espagnol, qui était présente à l’audition officielle, a refusé de répondre à toutes les questions concernant le Catalan Gate. Tout comme le cas de la Grèce, dont je vous parlais il y a quelque temps, l’accès aux informations nous est refusé au nom du secret et de la sécurité nationale. 


De telles pratiques ne sont pas dignes de nos institutions démocratiques. La transparence et l'ouverture, en particulier lorsque des questions sensibles sont en jeu, sont essentielles pour garantir le respect de l'État de droit. 


Je terminerai avec les mots de mes deux collègues catalan.es, eux même victimes de Pegasus:

Jordi Solé nous explique: "ironiquement, la décision (de ne pas écouter les victimes) va encore à l'encontre des intérêts de ceux qui l'ont promue, puisque le fait d'opposer son veto à la présence des victimes et d'éviter de répondre aux questions que les eurodéputés leur posent, ne fait que renforcer la conviction en Europe que le gouvernement espagnol a beaucoup à cacher". Diana Riba ajoute "l'Etat espagnol essaie de cacher ce qui est déjà évident pour toute l'Europe : qu'il a fait un usage massif, abusif et aveugle de l'espionnage des programmes visant à saper l'action de la dissidence politique”.

 

 

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