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Un accord entre l’Union européenne (UE) et Interpol : quels risques pour nos droits fondamentaux ?

10-11-22

Depuis avril 2021, la Commission européenne, sous mandat des États-membres, négocie un accord de coopération avec l’Organisation internationale de police criminelle Interpol. Ce futur accord pose de nombreuses questions en termes de respect des droits humains mais aussi de protection des données.

C’est pourquoi, le 5 juillet dernier, moi et mes collègues du Parlement européen, nous avons adopté, avec une large majorité, une résolution à ce sujet. Nous n’acceptons pas, qu’au nom de la sécurité, le droit à la vie privée des citoyens européens soit bafoué.

 

Un accord qui n’est pas nécessaire

Avant toute négociation, tout projet, tout nouvel accord, il est essentiel de se poser une question : est-ce utile ? Concernant l’accord UE-Interpol, de nombreux doutes existent.  La Commission en est persuadée. Selon l’exécutif européen, les raisons d’être d’un tel accord vont d’assurer une meilleure interopérabilité au besoin d’informations actualisées. Ces raisons invoquées ne reposent sur rien d'autre que des convictions. En effet, aucune étude d’impact n’a été réalisée avant de débuter les négociations. 

Ce qui a été démontré, en revanche, ce sont les nombreuses violations des droits humains commises à travers le système  d’Interpol. Son système de  notices rouges  et diffusions, c’est-à-dire des avis de recherche internationaux, a été plusieurs fois employé de manière abusive. Certains États autoritaires y ont recouru afin de persécuter, au-delà de leurs frontières, des défenseurs des droits fondamentaux, des opposants politiques et des journalistes.

Là où la Commission et les États-membres voient en cet accord un renforcement de la sécurité, j’y vois une escalade potentielle dans le système de contrôle et de surveillance. Se sentir en sécurité est, bien entendu, important, mais cela ne doit pas être au prix de notre liberté.

 

La résolution du Parlement européen : forte et unanime

Avec 607 voix en faveur, le Parlement européen a adopté une résolution comportant de nombreuses recommandations. Celles-ci peuvent être résumées en 3 mots-clés : transparence, protection des données, et respect des droits humains. 

Transparence pour l’agence Interpol qui doit, à la fois, réformer son système de notices rouges et fonctionnement interne. La présidence d’Interpol par l’émirati  Ahmed Naser Al Raisi accusé de violations des droits humains est très inquiétante. Une enquête à son encontre, pour des alégations de torture, est actuellement en cours en France. 

Nous réaffirmons également dans ce texte l’importance du principe de proportionnalité en termes d’échange de données personnelles. Contrairement à ce que prévoit le mandat de négociation, nous nous opposons à ce que soit octroyé à Interpol l’accès automatique aux bases de données européennes. Enfin, au vu de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, nous réclamons que la Russie soit exclue du système d’information d’Interpol afin d’éviter les abus du système par le régime de Poutine et son utilisation pour traquer opposants politiques et activistes. 

Prochaines étapes 

Cette résolution adoptée par le Parlement européen doit maintenant servir de cadre pour les négociations menées par la Commission européenne. Une fois l’accord négocié, il devra être ratifié par le Parlement européen. Celui-ci a un pouvoir de blocage. 

À suivre…

Pour aller plus loin: https://www.fairtrials.org/campaigns/interpol/ 

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