Mercredi, on vote l’investiture de la Commission européenne, acte déterminant pour les cinq ans à venir. Avec des conséquences bien au-delà. L’extrême droite est entrée dans la bergerie, les politiques environnementales sont en recul, la défense et la compétitivité sont les maîtres mots. Un piètre projet pour l’Union européenne dont l’avenir est aujourd’hui réellement en jeu. Suis-je préoccupée? Au plus haut point, car cette collaboration nous rappelle les années les plus sombres de notre histoire européenne. “Plus jamais ça” sonne aujourd’hui terriblement creux et je refuse catégoriquement d’y prendre part.
En juillet, je n’avais pas soutenu le projet de Ursula von der Leyen à la tête de l’exécutif européen à cause d’un programme cédant bien trop à l’extrême droite sur tous les fronts : Pacte vert relégué au second plan, politique sécuritaire et anti-migratoire, absence de vision économique et industrielle permettant d’assurer la réelle “autonomie stratégique” de l’Europe... Le groupe des Verts a voulu lui laisser le bénéfice du doute en la soutenant en grande majorité et en actant ses “promesses” : pas de recul sur les textes déjà adoptés du Pacte vert, pas de collaboration avec l’extrême droite. Malheureusement, la présidente du nouvel exécutif européen n’a pas attendu pour rompre ses promesses.
Son équipe à la tête du nouvel exécutif européen, majoritairement conservatrice (PPE), verra une vice-présidence exécutive occupée par le commissaire italien Raffaele Fitto, du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia ! Si le choix des commissaires appartient à chaque Etat membre, le choix des portefeuilles et des titres est un choix politique qui appartient à la présidence. Elle a donc fait le CHOIX de collaborer avec l’extrême droite.
En parallèle, au Parlement ces derniers mois, son groupe PPE a montré à plusieurs reprises qu’obtenir une majorité avec l’extrême droite ne lui pose pas de problème. Ainsi, l’avis du Parlement sur le budget 2025 est devenu tellement imbuvable à cause des amendements de l’extrême droite et du PPE qui ensemble ont une majorité, qu’aucun groupe à la gauche du PPE n’a pu le soutenir. Comble, l’extrême droite n’a pas non plus voté le texte final car, pour elle, l’idée même d’un budget pour l’Europe est inconcevable. Le PPE s’est fait avoir à son propre jeu. Résultat : le Parlement n’a pas de position officielle sur le budget 2025 de l’UE!
❗️En s'alliant avec l'extrême droite, le PPE vient d'empêcher l'adoption de la position du Parlement pour le budget UE 2025.@vonderleyen il est temps de choisir ses alliances.
— Saskia Bricmont (@saskiabricmont) October 23, 2024
L'extrême droite et la fin de l'Union européenne.
Ou les groupes démocratiques et pro-UE.
L’extrême droite a démarré son travail de sape du fonctionnement démocratique des institutions européennes, avec l’aide des conservateurs.
Cette évolution n’a pas servi de leçon aux groupes socialiste et libéral qui, après des jeux politiques malsains, faisant primer les intérêts nationaux, partisans et de pouvoir sur le projet et les intérêts européens, ont soutenu chaque candidat commissaire, même les plus piètres candidats pour assurer un soutien suffisant à leurs propres candidats. Conservateurs, socialistes et libéraux s’embarquent ainsi dans un projet “commun” vide de sens, et servent de marche-pied à l’extrême droite qui intègre ainsi l’exécutif européen.
Suis-je préoccupée? Oui, et au plus haut point! Cette collaboration nous rappelle les années les plus sombres de notre histoire européenne. “Plus jamais ça” sonne aujourd’hui terriblement creux et je refuse catégoriquement d’y prendre part.
Les nouvelles sont tout aussi inquiétantes du côté de l’engagement d’Ursula von der Leyen de ne pas revenir en arrière sur le Pacte vert. Il y a quelques semaines, elle avait annoncé le report d’un an de l’entrée en vigueur du règlement anti déforestation importée.
Ce texte est essentiel pour empêcher la déforestation importée et que nous, consommateurs, achetions des produits issus de la déforestation sans le vouloir. Son groupe politique, le PPE, a saisi l’opportunité pour affaiblir considérablement le texte à l’aide d’amendements largement soutenus par l’extrême droite.
Report du règlement anti-déforestation : c’est une nouvelle trahison de la part d’Ursula von der Leyen, qui s’était engagée à ne pas revenir en arrière sur le Pacte vert et ne pas collaborer avec l’extrême droite, comme je l’explique icihttps://t.co/g0rR8xT5Te
— Saskia Bricmont (@saskiabricmont) November 15, 2024
Pour toutes ces raisons, mercredi, je ne soutiendrai pas le nouvel exécutif européen.